– « En tant qu’ex prostituée, je demande que les partis politiques s’engagent pour la loi sur l’achat de sexe »

« En tant qu’ex prostituée, je demande que les partis politiques s’engagent pour la loi sur l’achat de sexe »

par CRYSTAL

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Je participe à la campagne « End Demand » pour inciter le gouvernement du Royaume-Uni à criminaliser l’achat de sexe et à en décriminaliser la vente—mesure connue sous le nom de « Loi sur l’achat de sexe ». Et cette loi doit être adoptée le plus rapidement possible. Pourquoi je soutiens cette loi ? Parce que je suis une ex-prostituée.

Quand je suis arrivée dans la prostitution, grâce à celui qui était alors mon copain, j’avais un peu plus de vingt ans. J’utilise maintenant le terme « maquereau » mais j’étais alors dans une confusion totale.

J’ai été vendue à un inconnu après l’autre. Quelquefois, on m’a emmenée à l’extérieur pour avoir des relations sexuelles avec des groupes d’hommes, parfois ils venaient chez moi. Ces expériences étaient horribles–et c’est un euphémisme–mais pour parler de certaines choses, il n’y a pas de mots. On me disait constamment que ce que l’on me faisait venait de ce que j’étais, et non des clients : j’étais une pute et une salope et je n’avais que ce que je méritais. Je me suis mise à boire de plus en plus, et à me droguer. Quand j’étais intoxiquée, je sentais moins la douleur. J’ai commencé à m’anesthésier, à me dissocier de mon corps, j’ai cessé de me sentir moi. Les choses se sont fragmentées, j’ai perdu des pans entiers de temps. La menace de violence était permanente et j’avais l’impression d’avoir perdu quelque chose d’essentiel : moi-même. J’avais peur d’être rejetée si j’en parlais à quiconque.

J’ai finalement réussi à échapper à mon « copain ». Mais après ça, j’étais une ruine. J’avais constamment besoin d’argent pour financer mon addiction, j’étais complètement démolie. Je ne savais plus comment me comporter normalement, après des années de ce que mon psy décrit maintenant comme de la torture. Je pensais que je n’étais bonne qu’à me mettre à genoux devant un homme pour le satisfaire sexuellement. Et je suis revenue à ce que je connaissais –la prostitution. Mais cette fois-ci, je l’avais choisie, n’est-ce pas ? Dans mon expérience, certaines cages sont invisibles.

Quand on est dans la prostitution, ce qui est anormal paraît normal. Les actes sexuels deviennent aussi banals que de se faire une tasse de café. Toutes les limites qui allaient de soi pour moi étaient détruites—comme la possibilité de contrôler ce qui arrivait à mon corps, et le droit de dire non. Mes buts n’étaient plus les mêmes, et le mien était maintenant de survivre. J’ai fait ce que je devais faire : arborer un sourire quand c’était nécessaire, caresser leurs egos comme le reste. J’ai commencé à travailler dans un bordel, pensant que cela serait mieux pour ma sécurité. Cela n’a pas été le cas : on ne peut pas sécuriser la prostitution. Une jolie chambre et un dessus de lit propre ne changent rien. La violence et la haine font partie intégrante de la transaction : si les clients vous accordaient la moindre valeur, ils ne vous utiliseraient pas seulement comme un corps. Je sentais l’alcool, il était clair que j’avais une addiction. Mais les clients préféraient l’ignorer, s’en tenant fermement à leur fantasme que si l’on donnait de l’argent , c’était ok. Nous les « filles », nous étions juste quelque chose à acheter, à utiliser et à jeter.

Les prostitueurs ne me voulaient pas moi—un être humain avec des espoirs, des rêves et des sentiments, ils voulaient une poupée sexuelle vivante. Quelqu’un qui ne se plaindrait pas si on lui faisait mal. Quelqu’un qui sourirait, flirterait et gémirait en simulant l’orgasme quoiqu’ils fassent. Ça n’avait rien de personnel, et pourtant c’était tellement personnel : ils me touchaient, ils me regardaient, ils étaient à l’intérieur de moi.

La douleur était toujours présente dans la prostitution. Mon corps me faisait constamment souffrir à cause de la brutalité du sexe. Mais c’est ce qui se passe dans votre tête qui est le plus dur à la longue. J’ai développé un PTSD (Post Traumatic Stress Disorder, stress post traumatique) ; parfois, je ne pouvais plus bouger, parfois je ne pouvais plus parler. J’avais des flashbacks, j’avais des cauchemars (quand j’arrivais à dormir).  Cela fait plus de 5 ans que je suis sortie de la prostitution—et j’ai toujours un PTSD. Le fait d’avoir été prostituée à tout changé pour moi.

Qu’est-ce que l’adoption de la loi sur l’achat de sexe signifierait pour moi ? Cela indiquerait que la loi est de mon côté, et non contre moi. Ça serait une reconnaissance du fait que ce que j’ai subi était une violence. Pour une fois, les clients seraient sous le projecteur et tenus responsables de leurs actes. Des services d’aide aux prostituées pour en sortir seraient mis en place—et c’est quelque chose qui aurait tout changé pour moi. J’ai eu de la chance de m’en sortir : il n’existait aucune aide alors. Même maintenant que j’en suis sortie, c’est difficile de guérir quand la vision sociale continue à être que la prostitution est inévitable, que c’est juste un travail. La prostitution n’est pas un droit des femmes, ce n’est pas quelque chose qui doit être protégé–c’est la fin des droits des femmes. C’est basé sur le pouvoir des hommes sur des femmes et des filles vulnérables. C’est être pénétrée par un défilé d’étrangers qui vous murmurent des choses désagréables à l’oreille et qui rient s’ils vous font mal—et ça vous affecte profondément. Ce n’est pas un travail, c’est de l’abus sexuel.

J’espère que tous les partis vont soutenir la loi sur l’achat de sexe et que ceux qui seront élus et gouverneront en 2015 agiront rapidement pour la faire passer. Cela signifierait la reconnaissance par la loi que la prostitution détruit les femmes qu’elle utilise. Après toutes ces années pendant lesquelles mon expérience a été ignorée, ce serait plus important que tout pour moi.

Article publié initialement dans THE INDEPENDENT : http://www.independent.co.uk/voices/comment/as-an-ex-prostitute-i-urge-all-the-political-parties-to-commit-to-the-sex-buyer-law-9810735.html

traduction par Sporenda

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