– Le gouvernement de la République d’Irlande va adopter une loi criminalisant les prostitueurs

 

Meghan Murphy,

Feministcurrent.com,

25 novembre 2014

The Irish Times (1) signale que le Cabinet irlandais vient de décider (2) de l’adoption d’une loi qui criminalisera les prostitueurs (acheteurs de sexe) en République d’Irlande. En Irlande du Nord, les député.e.s du parlement de Stormont ont adopté le mois dernier une loi interdisant l’achat de sexe. Cette décision d’aller de l’avant fait partie d’une tendance croissante, en termes de droit de la prostitution.

Le modèle nordique, aussi parfois appelé le modèle suédois ou l’«optique de libération des femmes» (3) est adopté et envisagé par de plus en plus de pays. Le fait de constater les échecs de la légalisation et d’une décriminalisation tous-azimuts – qui n’a fait qu’accroître la prostitution et la traite à des fins sexuelles et échouer à réduire la violence contre les femmes – et les succès du modèle nordique depuis qu’il a été adopté en Suède en 1999, rendent le choix de criminaliser les prostitueurs tout à fait naturel si nous tenons réellement à l’égalité des sexes et aux droits et à l’humanité des femmes.

Comme l’a écrit (5) l’auteure et militante Rachel Moran (6) :

« Il n’y a rien d’étrange ou d’étonnant à ce que les taux de prostitution au Danemark soient plusieurs fois supérieurs à ceux observés en Suède. Les chiffres brossent un portrait irréfutable: Sur 9 400 000 Suédois.e.s, on évalue à 650 le nombre des personnes prostituées. La population du Danemark est moitié moins grande (5,4 M), mais on y trouve quelque 5567 prostituées – près de neuf fois leur nombre dans son voisin immédiat, la Suède. » (7)

Moran souligne également qu’en légalisant l’achat aux femmes d’un accès sexuel, une politique de légalisation tous-azimuts est profondément misogyne et accrédite une vision des femmes comme citoyennes de seconde zone.

« Comme beaucoup de militantes ayant une expérience personnelle de la prostitution, je préconise le «modèle nordique», qui criminalise la revendication d’accès sexuel tarifé adressée aux personnes, dépénalise celle qui sont ainsi exploitées, et propose des voies de sortie du milieu, y compris l’éducation et la formation. On ne peut s’opposer à cette approche qu’à partir d’une conception qui refuse de considérer les femmes comme des êtres humains à part entière sur un pied d’égalité avec les hommes. La raison en est simple : l’écrasante majorité des personnes exploitées dans la prostitution sont des femmes. De plus, beaucoup d’entre elles sont des adolescentes qui ne sont même pas en âge de consentir. Je sais de première main que très souvent, les femmes sont prostituées avant même d’avoir atteint l’âge du consentement sexuel. Ce fut aussi mon cas : je n’avais que 15 ans quand j’ai été contrainte à la prostitution par un homme adulte. »

Le modèle nordique est unique en ce que, à l’instar d’efforts récents pour blâmer les auteurs plutôt que les victimes d’agressions sexuelles (8), par exemple, il impose ce fardeau aux véritables responsables de la violence et de l’exploitation des femmes dans la prostitution: les hommes. Comme les hommes sont ceux qui disposent réellement de «choix» en matière de prostitution, à titre de véritables responsables de l’existence de cette industrie, alors que l’immense majorité des femmes et des filles n’y entrent que par dénuement ou sous la contrainte, le modèle nordique est donc la solution la plus logique.

Moran est confiante que la nouvelle loi «fera de l’Irlande du Nord un environnement hostile au proxénétisme et à la traite pratiquée par des gangs. Ces proxénètes et ce milieu du crime organisé qui nous empoisonnent la vie depuis des années seront bientôt en quête d’un autre pays où sévir. »

Malgré les efforts des lobbies et des défenseurs de l’industrie du sexe pour donner de l’industrie une image assainie et banalisée, le fait demeure que la prostitution existe à cause de – et non pas comme solution à – l’inégalité et l’oppression systémique. Si nous n’envisagions pas, en tant que société, l’accès sexuel aux femmes comme une chose à laquelle les hommes ont droit, nous ne verrions pas la prostitution comme acceptable.

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Moran écrit:

« Il est grand temps pour nous, les femmes, de nous lever et de nous demander pourquoi nous acceptons une immense transgression mondiale des droits de la personne où la quasi-totalité des exploitées sont des femmes et presque tous leurs exploiteurs sont des hommes. Voici ma réponse: nous l’acceptons parce que les femmes ont été si longtemps maintenues au bas du système des castes de genre que nous en sommes venues à accepter la position d’infériorité qui nous est imposée. Nous devons rompre avec ce mode de pensée, et vite, car il y a une bataille législative qui fait rage en ce moment dans le monde; c’est la lutte de libération sexuelle des femmes et elle est combattue bec et ongles par ceux qui ont misé sur l’asservissement sexuel des femmes. »

1 : http://www.irishtimes.com/news/politics/cabinet-approves-law-to-criminalise-purchase-of-sex-1.2014422#.VHS5EGBm1nM.email

2 : http://feministcurrent.com/9693/northern-ireland-bans-buying-sex/

3 : http://www.rapereliefshelter.bc.ca/campaigns/abolition-prostitution/abolition-prostitution

4 : http://feministcurrent.com/9944/from-norway-to-new-zealand-pro-prostitution-research-is-its-own-worst-enemy/

5 : http://www.newstatesman.com/politics/2014/11/why-paying-sex-legal-so-many-countries-because-laws-are-made-men

6 : http://feministcurrent.com/7921/podcast-rachel-moran-on-her-book-paid-for-my-journey-through-prostitution/

7 : http://catwa.org.au/files/images/Nordic_Model_Pamphlet.pdf

8 : http://www.theviolencestopshere.ca/dbtg.php

Traduction : Martin Dufresne

Copyright : Megan Murphy, 2014

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