« IL N’Y A RIEN DE PIRE »
Posté le 20 juin 2017 sur le blog de la survivante Rebecca Mott : https://rebeccamott.net/
Il y a une phrase qui revient souvent : il n’y a rien de pire qu’un enfant prostitué.
Je pense qu’il est nécessaire de l’analyser, parce qu’elle implique des postulats dangereux.
Cela semble impliquer que la prostitution est acceptable si la prostituée a plus de 16 ou 18 ans.
Cela implique que la prostitution est une norme, mauvaise seulement quand des enfants innocents sont impliqués.
C’est une croyance dangereuse à bien des égards. Cela ne prend pas en considération de manière sérieuse la structure de la prostitution. Au contraire, cela sous-entend que l’on peut faire le ménage dans la prostitution en en écartant les mauvaises herbes.
Pour voir la prostitution telle qu’elle est réellement, et non comme beaucoup veulent la voir, il nous faut réaliser que beaucoup si ce n’est la majorité des prostituées adultes entrent en prostitution alors qu’elles sont mineures.
La réalité de la prostitution c’est que la plupart des adultes prostituées ont été piégées et meurtries par de nombreuses années de violences sexuelles.
Pourquoi vous en souciez-vous quand elle a 14 ou 13 ans, mais quand il est admis qu’elle a visiblement 16 ou 18 ans ou qu’elle se comporte comme telle pourquoi vous détournez-vous d’elle ?
La petite fille prostituée est toujours là, dans la femme prostituée, c’est une seule et même personne.
Seulement l’adulte doit étouffer tout souvenir d’avoir été enfant, le souvenir de l’innocence perdue, le souvenir de la croyance qu’il peut y avoir une fin à la prostitution.
Les séquelles et la haine infligées à l’enfant prostitué ne disparaissent pas d’un coup juste parce les autres la considèrent comme une prostituée adulte. Non, elles s’ajoutent simplement aux strates de douleur, de peur et de chagrin dans le cœur de la prostituée adulte.
Mais il est convenu que dès que la prostituée est considérée comme adulte, elle a librement choisi de faire partie du trafic sexuel.
Eh bien j’ai été une enfant prostituée qui est ensuite devenue une adulte prostituée.
C’est pendant ce premier épisode de terreur et de détresse, l’année de mes 14 ans, ce viol en réunion, que j’ai été frappée du sceau de la prostituée.
Chaque fois qu’un client a fait le choix de me consommer, j’étais emprisonnée dans ce moment où je ne me suis pas défendue et où je ne me suis pas rappelée que je pouvais avoir des droits humains.
Plus on injectait de violence et de haine dans mon corps prostitué, moins je réussissais à m’évader loin de cet enfant piégé.
Oui, j’ai été adulte la majorité de mon temps passé dans la prostitution, mais je n’ai jamais compris ce qu’être un adulte voulait dire.
Alors réfléchissez quand vous dites qu’un enfant prostitué ça n’existe pas, pensez à tous les adultes prostitués qui sont violés à répétition, qui sont torturés, qui sont maltraités psychologiquement et qui sont anéantis.
La vérité c’est qu’il ne devrait exister de prostituée nulle part ni pour aucune raison.
REBECCA MOTT, activiste survivante de la prostitution.
Traduit de l’anglais par Maeva Guilene