Ce n’est pas la première campagne dans la vie du magazine EMMA – mais c’est de loin la plus efficace. À peine quatre jours après la parution de notre «Appel pour l’abolition de la prostitution», 90 premiers signataires affirmaient déjà qu’une réforme de la loi sur la prostitution devait être soumise aux négociations de la nouvelle coalition gouvernementale. Trois jours plus tard, chacune des trois principales responsables des enjeux des femmes dans cette coalition élargie déclarait : «Nous voulons changer la loi!» Une semaine après la publication de notre appel, la présidente du CDU, Maria Böhmer, la présidente des femmes de la CDU, Gerda Hasselfeldt de la CSU et l’éventuelle ministre Manuela Schwesig (SPD) ont convenu qu’il fallait enfin aider les femmes en prostitution – et qu’il fallait efficacement poursuivre et sanctionner ceux qui tirent profit d’elles comme autant de marchandises. Ce déblocage est non seulement dû au nombre impressionnant des 90 premières et premiers signataires de cet appel. Il est aussi dû au travail continu d’information effectué ces derniers mois par EMMA et par d’autres médias (y compris la télévision et Der Spiegel ). C’est principalement parce que le temps est venu. L’ère du cynisme touche à sa fin. Et cela vaut aussi bien pour la pédophilie que pour la prostitution. Nous assistons actuellement à une protestation massive des soi-disant «projets de putes», qui voudraient parler au nom des prostituées anonymes. Mais ces «projets de putes» représentent-ils vraiment la majorité? C’est la question que pose EMMA dans un livre qui vient de paraître, sous la direction d’Alice Schwarzer, Prostitution – un scandale allemand!. Et c’est là le vrai scandale!
Appel à abolir la prostitution
« La prostitution, “le plus vieux métier du monde”? “Un métier comme les autres”? La prostitution n’étant pas vouée à disparaître, c’est une utopie de vouloir la supprimer?
C’est faux. Il n’y a pas si longtemps, l’abolition de l’esclavage aussi paraissait utopique. Et même si l’esclavage n’a pas entièrement disparu de ce monde, il serait aujourd’hui impensable pour un État démocratique, éclairé, de le tolérer, voire de le laisser s’étendre. Or c’est précisément ce que fait l’Allemagne avec la prostitution : elle tolère, elle soutient même cette forme d’esclavage moderne (ce white slavery – “traite des blanches”). La réforme de la loi sur la prostitution de 2002, censée servir les 700 000 femmes (estimation moyenne) qui travaillent dans ce secteur, porte la griffe des trafiquants de femmes et de leurs lobbyistes.
Depuis, l’Allemagne est devenue la plaque tournante du trafic de femmes en Europe et le paradis des touristes du sexe venant des pays voisins. La voilà l’exception allemande. Même les Pays-Bas font marche arrière. Les pays scandinaves, eux, interdisent et sanctionnent depuis des années déjà le fait d’avoir recours à une prostituée. La France et l’Irlande sont sur le point de leur emboîter le pas. Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, le trafic de femmes et la prostitution, indissociables l’un de l’autre, sont le secteur, avec le trafic d’armes et le trafic de drogue, dont les taux de profit sont les plus élevés (plus de 1 000 %). Or ces profits ne vont pas aux femmes. Même la minorité de prostituées d’origine allemande, souvent victimes dès l’enfance de violences sexuelles, vivent à plus de 90 % dans la pauvreté lorsqu’elles atteignent la vieillesse. Le cas des étrangères qui se prostituent sous la contrainte ou pour échapper à la misère est pire encore.
Le système prostitueur est à la fois une exploitation et une perpétuation de l’inégalité traditionnelle entre les hommes et les femmes (comme entre les pays et les continents). Ce système rabaisse les femmes, qui ne sont plus que sexes vénaux, et nuit à l’égalité entre les sexes. Il injecte une brutalité dans le désir et affecte la dignité humaine des hommes comme des femmes – y compris celles qui ont “choisi librement” la prostitution.
C’est pourquoi nous exigeons des responsables politiques et de la société :
· une modification de la législation qui mette un terme le plus rapidement possible à la libéralisation du commerce des femmes et de la prostitution, et qui protège les femmes ainsi que la minorité des hommes prostitués:
· des mesures de prévention en Allemagne et dans les pays d’origine des prostituées, ainsi que des moyens pour aider les femmes à sortir de la prostitution. Des mesures de protection pour celles qui témoignent afin de les prémunir contre les expulsions et de leur garantir le droit de séjour ;
· l’information la plus large, dès l’école, sur les conséquences auxquelles s’exposent ceux qui achètent des femmes ;
· la proscription et, si nécessaire, la condamnation des clients, c’est-à-dire des personnes qui achètent des femmes, sans qui ce trafic humain n’existerait pas – des mesures qui mènent à court terme à l’endiguement et à long terme à l’abolition du système de la prostitution.
Oui, on peut imaginer une vie dans la dignité. »
Pour signer cet appel en ligne se rendre au http://www.emma.de/artikel/lappel-pour-labolition-de-la-prostitution-312489et cliquer sur la ligne rouge du bas.
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